Histoire  |  Géographie  |  Économie  |  Société

 

Diego Fernandez, 2004 | Yverdon-les-Bains, VD

 

La désobéissance civile est une méthode d’engagement politique. Cette manière de faire de la politique interroge dans une démocratie telle que la Suisse. Comment définir l’engagement politique ? Mute-t-il ? Quel est l’état du système politique suisse ? La désobéissance civile est-elle une menace pour la démocratie ? Élargira-t-elle durablement le répertoire des méthodes d’engagement politique ? En croisant par des échanges de courriels les opinions de différents acteurs de la politique suisse, ma recherche a tenté de répondre à ces questions et conclut que les désobéissants sont hostiles au régime représentatif tel qu’en place actuellement, mais qu’ils ne sont pas une menace pour la démocratie.

Problématique

Alors que le désintérêt pour la politique institutionnelle grandit, la désobéissance civile subit un regain d’énergie. Les agitateurs pensent que la politique ne se “fait“ pas que dans les parlements, mais aussi immédiatement sur le terrain. En résulte-t-il une hostilité quant au régime parlementaire ? Si oui, les désobéissants sont-ils pour autant une menace pour la démocratie ? Il faut aussi répondre aux questions suivantes : ces contestataires élargissent-ils durablement le répertoire des méthodes d’engagement politique ? Si oui, cela compense-t-il la perte de dynamisme de la démocratie suisse ? Et justement, cette perte est-elle si conséquente ?

Méthodologie

J’ai commencé par brosser un portrait historique des mobilisations en faveur de l’écologie en Suisse. Dans le cadre théorique, j’ai détaillé les concepts utilisés dans le développement. Dans le développement, j’ai analysé la rhétorique des différentes parties qui m’ont répondu.

Résultats

J’ai contacté de nombreuses personnes et organisations. Certaines m’ont apporté des réponses, parfois très complètes. C’est le cas du vice-président du PLR, d’un membre du PLR Vaud, de la ZAD (organisation écologiste illégale), de la grève du climat (GDC) et d’une politicienne verte. J’ai complété leurs réflexions par celles du président des verts issues d’une de ses interviews. En outre, je me suis intéressé aux positions de l’UDC et du PS.

Discussion

Les individus qui exercent un mandat politique sont ceux qui pensent que la prise d’ampleur de mouvements de désobéissance civile n’interroge pas la légitimité et les règles du régime politique À l’inverse, pour la ZAD, la Suisse est “loin d’être en démocratie réelle“. Les désobéissants souhaitent remédier aux lacunes démocratiques du système politique. Par exemple, la GDC parlait dans leur réponse d’“idées radicalement démocratiques“. L’engagement politique en faveur de l’écologie a évolué, mais je ne l’ai pas quantifié. Toutefois, je peux ajouter que les organisations écologistes désirent faire évoluer leurs méthodes. Pour elles, la non-violence est une stratégie, pas un dogme. Pour les écologistes, l’action illégale est légitime, car les méthodes conventionnelles sont impuissantes. Ils jugent les institutions tout juste démocratiques -ou inefficaces et corrompues- et tirent de là leur légitimité.

Conclusions

À l’inverse de ce qu’il s’est passé avec la manifestation de rue, je pense que la NVDA ne va pas devenir une forme d’engagement politique tolérée ou largement perçue comme légitime. Si les solutions ( “radicalement démocratiques“ selon la GDC) pour remédier aux lacunes de la démocratie suisse (parfois idéalisée) ne sont pas idéales, elles ont le mérite de rappeler ses faiblesses. Ce travail a montré que la démocratie n’est jamais acquise, même en Suisse. Mon TM a pointé que la légitimité de la désobéissance civile repose principalement sur le pilier de la défense d’intérêts supérieurs ignorés par la classe politique. Si on reconnait l’existence d’intérêts supérieurs (à la loi), la désobéissance civile est légitime. Il faut donc de se demander si de tels intérêts existent et s’ils sont légitimes. Le choix de s’engager en désobéissance civile est un dilemme. Peut-on laisser commettre une injustice sans intervenir ? Ou doit-on agir, selon sa perception de la justice, quitte à transgresser le droit, sur lequel se fonde le vivre-ensemble ? Les désobéissants qui ont répondu à mes questions semblent utiliser la désobéissance civile presque par défaut, par manque d’alternative à la politique institutionnelle qu’ils jugent inefficace ou imparfaite. Même ceux qui jugent la désobéissance civile illégitime de nos jours sont d’accord qu’il faudrait l’utiliser dans le cas d’un gouvernement complètement illégitime. La désobéissance civile ne doit pas être comprise que dans le cadre de luttes face à des injustices très concrètes, mais surtout comme une critique de la démocratie représentative.

 

 

Appréciation de l’experte

Célia De Pietro

La recherche de Diego Fernandez interroge de manière pertinente et étayée les liens entre désobéissance civile et démocratie. Son approche permet une discussion des théories classiques de ce mode d’action en les interrogeant au prisme d’entretiens avec de nombreux acteurs et actrices politiques (collectifs militants, politiciens et politiciennes) et d’un corpus médiatique efficace. Diego Fernandez ouvre ainsi une réflexion remarquable sur les (im)possibilités de la démocratie comme système politique et sur les enjeux, en son sein, de formes d’actions critiques ayant recours à l’illégalité.

Mention:

bien

 

 

 

Gymnase d’Yverdon, Cheseaux-Noréaz
Enseignant: Marc Bonzon