Biologie | Environnement
Anna Páll, 2005 | Puplinge, GE
Pour évaluer la capacité de l’unicellulaire eucaryote Physarum polycephalum à percevoir la musique, j’ai conçu une expérience. Elle consistait à observer le déplacement de l’organisme vers une source de nourriture en présence de différentes musiques. En mettant en place un protocole inédit, j’ai pu étudier le comportement des unicellulaires face à quatre stimuli sonores différents. Les résultats des expériences semblent montrer une corrélation entre l’écoute de la musique et une plus grande distance parcourue que lorsque cet unicellulaire écoute un son neutre ou est soumis au silence. De plus, les vibrations causées par les ondes sonores ne semblent pas être le seul facteur stimulant les unicellulaires : on observe un déplacement plus conséquent lorsque le son est de nature mélodieuse et rythmée.
Problématique
Selon le National Geographic, l’utilisation de la musique dans le domaine médical figure parmi les 12 innovations révolutionnaires qui façonneront l’avenir de la médecine. Étudier ce phénomène sur un unicellulaire pourrait aider à déterminer si l’effet de la musique est spécifique aux organismes plus complexes ou s’il est également observable au niveau cellulaire. Ainsi, je me suis interrogée sur les points suivants : est-ce qu’un être unicellulaire, dépourvu d’oreilles et de cerveau, peut percevoir la musique ? Est-il possible qu’il puisse distinguer les différents styles musicaux ?
Méthodologie
Le Physarum polycephalum, aussi appelé blob, un unicellulaire eucaryote fascinant, semblait être le candidat idéal pour répondre à ces questions par le biais d’expériences éthologiques. À la suite d’une recherche bibliographique pointue concernant le blob et l’effet de la musique à différents niveaux d’organisation, j’ai établi un premier protocole pour les expériences à mener. Cependant, face aux nombreuses difficultés rencontrées, ce dernier a été amélioré au fil du temps. Ces améliorations concernaient notamment le changement de la souche de Physarum polycephalum utilisée ainsi que la modification de la durée des expériences. Le protocole final consistait à observer le déplacement des blobs, dans les colonnes étroites d’une boîte à hameçon en direction d’une source de nourriture située dans le sens de la diffusion du son. En réalisant cette tâche, les blobs étaient soumis à l’écoute continue soit d’une composition de Liszt, soit d’un morceau heavy metal de Cannibal Corpse, soit d’un son neutre (« white noise »), ou bien au silence. Le son était diffusé avec une intensité variant entre 70 et 80 dB pendant une période de huit heures. Des photographies ont été prises toutes les demi-heures afin de permettre une analyse ultérieure.
Résultats
Après de longues heures d’expériences sur 48 blobs différents, j’ai obtenu les résultats suivants. En moyenne, ce sont les blobs soumis au heavy metal qui ont parcouru la plus grande distance, soit environ 1,7 cm en huit heures. Ceux écoutant de la musique classique les suivent avec une distance parcourue d’1,1 cm en moyenne. Les blobs se déplaçant dans le silence ont parcouru en moyenne 0.9 cm alors que ceux écoutant du white noise ont à peine bougés, avec une moyenne de 0,2 cm en huit heures. On observe donc une différence nette entre le déplacement des groupes musicaux et des groupes contrôles. En effet, les groupes Cannibal Corpse et Liszt ont parcouru respectivement 8 et 5 fois plus de distance que le groupe white noise. Les groupes contrôles silence se sont déplacées 4 fois plus que les groupes white noise. Il semble donc que la musique et en particulier le heavy metal favorise le déplacement des unicellulaires.
Discussion
Ce résultat est supporté notamment par une analyse statistique, qui permet de mettre en évidence une différence significative entre le déplacement du groupe white noise et des groupes musicaux. Ce ne sont donc pas seulement les vibrations des ondes sonores qui engendrent un changement dans le comportement de l’unicellulaire, mais également la nature du son en elle-même. Il semble donc que la perception de la musique n’est pas exclusive aux organismes complexes : une réaction est aussi décelable au niveau cellulaire.
Conclusions
Pour conclure, les résultats des expériences suggèrent que l’unicellulaire Physarum polycephalum perçoit la musique et qu’il réagit différemment en fonction du stimulus sonore. Ce résultat pourrait être approfondi par la réalisation de réplications et la mise en place d’une nouvelle expérience dans laquelle le paramètre mesuré serait le potentiel électrique du blob grâce à des électrodes.
Appréciation de l’experte
Magali Nanchen
L’étude de l’impact de la musique sur les organismes vivants est un domaine scientifique captivant et méconnu. Anna Páll s’y est aventurée pour découvrir si l’organisme unicellulaire Physarum polycephalum peut réagir à la musique malgré son absence d’appareil auditif et de système nerveux. Grâce à son approche expérimentale innovante et rigoureuse, elle a pu établir une corrélation positive entre l’exposition à la musique et une mobilité accrue de l’organisme. Ce travail illustre indéniablement la curiosité et la créativité des chercheurs, ainsi que les mystères de la nature qui restent à découvrir.
Mention:
très bien
Prix spécial du Lucerne Festival
Collège de Candolle, Chêne-Bourg
Enseignante: Pascale Michallet-Ferrier