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Loris Roth, 2002 | Moutier, BE

 

Alors que l’on croyait avoir définitivement réglé la « Question jurassienne » le 18 juin 2017 (la population de Moutier avait décidé à une fine majorité de rejoindre le canton du Jura), la votation a été annulée par les autorités régionales et cantonales à la surprise générale. Ce scénario inédit a fait couler beaucoup d’encre, mais a surtout compliqué et envenimé une situation déjà tendue. La ville s’est alors retrouvée dans l’impasse, avec une population déchirée par cette interminable question institutionnelle qui rend son avenir plus incertain que jamais.

Problématique

Tout portait à croire que la population de Moutier allait une énième fois voter sur son appartenance cantonale, mais cette fois-ci avec la détermination profonde de clore la question. Il était nécessaire pour cela d’avoir une organisation irréprochable afin d’éviter un second « fiasco démocratique ». Il a donc fallu comprendre les différentes irrégularités qui ont conduit à son annulation lors de la votation du 18 juin 2017 dans le but d’envisager au mieux les conditions juridiques et organisationnelles d’un nouveau scrutin. Il fallait aussi se pencher sur le sort des différents acquis de la ville afin de faire le point pour anticiper les éventuels changements. En effet, il était important de réussir à faire la part des choses entre ce que pourrait apporter le canton du Jura et ce dont dispose Moutier dans le canton de Berne.

Méthodologie

Le travail s’est appuyé sur cinq sources principales : des articles de presse couvrant la « Question jurassienne » les jugements rendus par les tribunaux compétents à propos du déroulement du scrutin et des conditions d’un revote, les rapports d’experts comparant les conséquences fiscales et institutionnelles (sur l’hôpital notamment) du statu quo et de l’autonomie, quatre entretiens avec des acteurs politiques de Moutier qui donnent à voir les positions anti-séparatiste et autonomiste et, enfin, un sondage diffusé via les réseaux sociaux qui permet de dégager, avec prudence, certaines tendances au sein de l’opinion.

Résultats

Grâce à un certain nombre de questions repères, j’ai pu m’assurer que le sondage touchait un échantillon relativement représentatif de la population. Il m’a ainsi donné accès à une large palette de données quantitatives dont l’analyse fait apparaitre un paradoxe, qui témoigne de la difficulté à régler le conflit : si les habitants de la ville sont d’accord sur le fait de résoudre la question d’appartenance cantonale dans les plus brefs délais et de pouvoir ainsi « passer à autre chose », ils affirment aussi que c’est pour eux une question avant tout identitaire provenant d’un sentiment strictement émotionnel. Le consensus autour de la nécessité de régler le conflit est donc contrebalancé par le caractère tranché des positions. Cela illustre à quel point il est difficile d’avancer dans une direction commune raisonnablement lorsque le cœur prime sur la raison.

Discussion

Le travail repose sur de nombreuses données dont la récolte s’est faite alors qu’à Moutier la « Question jurassienne » était en suspens. La recherche a donc été menée dans un contexte imprévisible, celui d’une campagne en prévision d’un scrutin sur l’appartenance cantonale de la ville. Les résultats du sondage, en particulier, sont susceptibles de varier s’il avait été lancé à un autre moment de la campagne et donneraient ainsi lieu à d’autres interprétations.

Conclusions

La ville de Moutier se trouvait (et se trouve encore) dans une situation délicate, tiraillée si pas coincée entre les cantons de Berne et du Jura. Les deux options proposées pour la cité prévôtoise sont objectivement plus ou moins identiques sur les aspects pratiques. Les principales différences se jouent au niveau administratif. Le réel enjeu qui est directement dissimulé derrière le choix d’appartenance cantonale pour les habitants de Moutier est : « Quelle option permettra à la ville de retrouver au plus vite une situation stable ? Dans quel canton les collaborations se mettront en place de telle manière à pouvoir coopérer avec son milieu sans encore perdre de précieuses années ? ». Moutier doit aujourd’hui pouvoir s’entourer et repartir vers le futur dans un environnement propice au développement, loin des tribulations de la question institutionnelle.

 

 

Appréciation de l’expert

Benjamin Pécoud

Par son travail, le candidat témoigne d’un engagement remarquable pour la question jurassienne. Se focalisant sur la ville de Moutier à l’époque contemporaine, il s’efforce de comprendre le conflit et de réfléchir à la façon de le résoudre. À chaque page du travail, le lecteur est frappé par l’envie du candidat de régler une question qu’il aimerait voir dépassée. L’enquête est riche, son actualité évidente et sa méthodologie originale.

Mention:

très bien

 

 

 

Gymnase français, Biel/Bienne
Enseignant: Prof. Frank Bassi