Histoire  |  Géographie  |  Économie  |  Société

 

Grégory Gachoud, 2003 | Charmey, FR

 

Lors de la bataille de Marathon, les Spartiates, occupés à célébrer Apollon, n’ont pas porté immédiatement secours aux Athéniens : la religion passait avant la stratégie militaire. Était-ce semblable chez les Romains ; la religion revêtait-elle une importance aussi considérable qu’à Sparte ? Quelle place occupent par conséquent les rites chez les Romains dans leur existence ?

Problématique

Dans ce travail, je me suis interrogé sur l’influence des différents rites sur une sélection d’événements majeurs de la Rome antique, et je me suis demandé si les contextes politiques et militaires suivaient les mêmes règles de gestion, d’interprétation et d’influences des rites. J’ai aussi cherché à établir un canevas d’analyse susceptible de s’appliquer à ces deux contextes.

Méthodologie

Mon étude se fonde sur une approche scientifique inductive bipartite, délimitée par un cadre temporel défini : de la Royauté (753 av. J.-C.) au règne de l’empereur Vespasien (79 apr. J.-C.). La première partie définira précisément les différents types de rites de la Rome antique : des auspices aux pratiques sacrificielles en passant par les purifications. L’élaboration d’une classification schématique des rites croisée avec le canevas susmentionné nourrit mon analyse. A cet effet, je me suis fondé plus particulièrement sur les travaux de J. Scheid ainsi que sur l’entretien accordé par T. Itgenshorst. La seconde partie compare deux visions, grecque (Polybe) et romaine (Tite-Live), sur la bataille du Lac de Trasimène (217 av. J.-C.), rare défaite romaine. De facto, la guerre, fait significatif, est au cœur de mon questionnement. J’ai également examiné si la grille d’analyse (interprétation – gestion – influence) de même que la classification schématique des rites (divination – purification – pratiques sacrificielles) s’applique intégralement à cette bataille.

Résultats

Mes recherches ont confirmé l’influence prépondérante des rites sur la vie sociale, politique et militaire des Romains. Dans la partie initiale, j’ai pu mettre en évidence que la quête du pouvoir conduit inévitablement à des manipulations de certains rites (par exemple, affamer les poulets sacrés pour qu’ils mangent à coup sûr durant le rituel), que ce soit pour discréditer son adversaire politique ou pour répondre aux préoccupations sociales, politiques et militaires d’un peuple très crédule. L’exactitude du respect des rites ancestraux importait autant, si ce n’est plus, que le résultat. Celui-ci pouvait être perverti à des fins de motivation ou de légitimation. Dans la seconde partie, mon analyse examine les justifications de la défaite romaine avancées par deux auteurs antiques. Polybe déplore les erreurs militaires tandis que Tite-Live s’insurge contre les irrespects commis envers les dieux. L’étude corrobore également mes hypothèses d’une possible transposition d’une classification schématique des trois types de rites (divination – purification – pratiques sacrificielles) aux domaines politiques et militaires. En effet, le triptyque rituel ouvre, guide et conclut l’événement marquant : la bataille du Lac de Trasimène.

Discussion

Certains rites semblent traverser les âges jusqu’à aujourd’hui, à l’instar des rites de purification avant une bataille ; tragiquement d’actualité dans plusieurs conflits modernes. Etudier les rites anciens et leurs enjeux ouvre ainsi d’intéressantes perspectives de recherches. En conséquence, approfondir et décrypter les enseignements du passé se révèle crucial pour mieux appréhender et vivre le présent.

Conclusions

Force est de constater que les rites ont perpétuellement dicté et rythmé la vie des Romains. Mais pouvons-nous prétendre que les Grecs sont moins religieux que les Romains ? Absolument pas ! Tant chez les Hellènes que chez les Romains la religion joue un rôle primordial, mais les deux peuples diffèrent quant à leur vision de celle-ci. Pour Polybe, les Grecs nuancent les résultats des rituels. Car leurs dieux sont empreints de sentiments humains tels que la colère ou la jalousie comme décrits dans les Épopées d’Homère. Pour les Romains, les rites sont perçus comme un contrat établi entre les dieux et les hommes. Toutes demandes adressées aux dieux requièrent une contrepartie équivalente. Cela s’applique également quand ils doivent les remercier, ou apaiser leur colère. Dès lors, rien n’est plus important à leurs yeux que de préserver et de respecter ce contrat hommes-dieux par l’intermédiaire de l’État.

 

 

Appréciation de l’experte

Dr. Elodie Paillard

Le candidat présente ici un travail d’une ampleur considérable, situé à la frontière entre mondes grec et romain, ce qui nécessite des compétences rares aussi bien dans la capacité à appréhender les sources anciennes dans leurs langues originales que dans la compréhension fine des différences entre ces deux contextes. Il s’agit d’un travail courageux, qui propose des éléments scientifiques véritablement nouveaux concernant la perception des rites chez les Grecs et Romains. Le travail est minutieux mais révèle aussi un esprit de synthèse permettant une approche novatrice des questions abordées.

Mention:

excellent

Prix spécial «European Union Contest for Young Scientists (EUCYS)» décerné par la Fondazione Aldo e Cele Daccò

 

 

 

Collège du Sud, Bulle
Enseignant: Bruno Sudan