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Chiara Mellini, 2004 | Villars-sur-Glâne, FR

 

Notre société est encore fortement cisnormative, à savoir qu’être cisgenre (s’identifier dans le genre assigné à la naissance) est présupposé, voire imposé. Or, certaines personnes ne s’identifient pas dans le genre assigné à la naissance et d’autres ne s’identifient dans aucun genre. En dépit de cela, nombre d’espaces publics imposent la binarité femme-homme, devenant ainsi des vecteurs de discriminations à l’encontre des minorités de genre. C’est notamment le cas des toilettes séparées sur lesquelles prend appui ce travail qui s’intéresse à la lutte contre les discriminations à l’égard des élève·x·s transgenres en contexte scolaire. À travers un sondage au sein du Collège St-Michel de Fribourg, qui s’est récemment doté de toilettes mixtes, ce travail vise à saisir les expériences d’utilisation de ces toilettes et les opinions des élève·x·s quant à l’utilité d’une telle mesure dans la lutte contre ces discriminations.

Problématique

Les discriminations vécues par les minorités de genre en contexte scolaire se manifestent sous différentes formes : violence verbale, physique et sexuelle. Une partie de ces discriminations advient dans les espaces plus isolés et sexués, comme les toilettes. En effet, quand une personne transgenre utilise les toilettes séparées pour hommes et femmes, elle est poussée à s’identifier dans un genre et pourra être jugée, voire agressée par les autres personnes présentes sur les lieux, en fonction du genre que celles-ci lui assignent. Dès lors, il est intéressant de se demander si l’introduction de toilettes mixtes peut soutenir la lutte contre les discriminations basées sur l’identité de genre. Comme le Collège St-Michel a nouvellement introduit de telles toilettes, ce travail se base sur l’expérience et l’opinion des élève·x·s quant à ces toilettes mixtes comme mesure de soutien à la lutte contre ces discriminations.

Méthodologie

Pour réaliser ce travail, nous avons réalisé une analyse théorique et empirique. D’abord, nous avons analysé des études internationales et nationales sur les mesures de lutte contre les discriminations vécues par les minorités de genre en contexte scolaire. Puis nous avons réalisé un sondage en ligne auprès des élève·x·s du Collège St-Michel à Fribourg. Le but était de saisir le vécu des élève·x·s dans les toilettes mixtes et leurs opinions quant à ces toilettes comme mesure de lutte contre les discriminations envers les minorités de genre.

Résultats

Au total, 532 élève·x·s ont participé au sondage, ce qui correspond à un taux de réponse de 40.9%, démontrant ainsi l’importance perçue du sujet étudié dans ce travail. Les résultats du sondage ont montré que 38% des élève·x·s utilisent les toilettes mixtes quotidiennement. Celles-ci sont utilisées autant par les élèves cisgenres ayant participé au sondage (67% femmes, 30% hommes) que par la totalité des élève·x·s transgenres (3%). Néanmoins, 102 remarques ont été formulées dans les espaces ouverts du questionnaire, questionnant la sécurité des toilettes mixtes et critiquant la manière dont celles-ci ont été introduites dans le collège. Environ deux tiers de l’échantillon (64%) ont rapporté que les toilettes mixtes sont une bonne mesure de lutte contre les discriminations de genre car elles n’obligent personne à s’identifier dans un genre. Pour 36 participant·e·x·s (7%), le concept des toilettes mixtes ne suffit pas : il faut des toilettes non genrées.

Discussion

Les résultats du sondage ont montré que si les toilettes mixtes peuvent soutenir la lutte contre les discriminations envers les minorités de genre en contexte scolaire, elles ne suffisent pas. En ligne avec les études analysées, les toilettes mixtes permettent de fuir le rappel à l’ordre du genre. De plus, leur utilisation quotidienne par les élève·x·s cisgenres et transgenres évite un effet de ségrégation de ces personnes. Cependant, les toilettes mixtes continuent d’imposer la catégorisation binaire du genre, en invisibilisant les personnes non binaires. Les résultats du sondage ont également mis en lumière plusieurs réticences à l’égard des toilettes mixtes, provenant de la part d’élèves cisgenres, notamment d’hommes.

Conclusions

Pour soutenir la lutte contre les discriminations à l’égard des minorités de genre en contexte scolaire, des toilettes non genrées seraient plus adéquates que des toilettes mixtes : elles n’obligent personne à s’identifier dans un genre ou l’autre et permettent de dépasser la binarité du genre. Néanmoins, la mise en œuvre d’une telle mesure nécessite la collaboration avec des spécialiste·x·s des questions de genre et doit impliquer les personnes concernées.

 

 

Appréciation de l’experte

Valérie Angelucci

Ce travail documente la mise en place de toilettes mixtes en contexte scolaire en regard de la lutte contre les discriminations basées sur l’identité de genre. À travers un sondage donnant la parole aux jeunes, il propose de saisir leurs opinions et expériences d’utilisation de ces toilettes. Cette étude est fondée sur une maîtrise des concepts et sur des données de qualité traitées avec pertinence. Le regard réflexif porté tant sur la démarche de recherche que sur les analyses proposées participent à la qualité de ce travail qui permet d’ouvrir une réflexion personnelle et collective.

Mention:

très bien

 

 

 

Collège St-Michel, Fribourg
Enseignant: Dr. Hdr Christian Maurer