Histoire | Géographie | Économie | Société
Noémie Widmer, 2003 | Pomy, VD
Objet de préoccupations au travers des générations, l’apparence semble être encore plus centrale dans cette ère des réseaux sociaux gouvernée par le paraitre. Différentes recherches démontrent que l’apparence s’immisce dans de nombreuses sphères de l’existence. Dans cette étude, nous traitons de deux biais cognitifs, l’« effet de halo » et l’« effet de pygmalion », qui sont responsables de l’impact de l’apparence sur le jugement et le comportement d’autrui à notre égard. Grâce à des entretiens réalisés auprès d’enseignants et de recruteurs, nous questionnons l’existence d’une discrimination sociale, parfois négligée, durant la scolarité et lors des entretiens d’embauche. Comme les relations humaines y sont omniprésentes, les petits (dés)avantages accumulés sur la base de notre physique peuvent à terme provoquer de grandes inégalités. Loin d’être fataliste, ce travail repose sur l’hypothèse selon laquelle prendre conscience du fonctionnement de ces biais pourrait permettre d’en diminuer les effets.
Problématique
L’ambition de ce travail est de saisir comment l’apparence physique influence notre vie scolaire et notre vie professionnelle. Ainsi, après une partie générale traitant de la conception de la beauté, nous nous penchons plus spécifiquement sur l’analyse de la relation entre l’apparence, l’estime de soi et le comportement d’autrui dans le domaine scolaire, puis dans le domaine professionnel. Comme ces deux périodes se suivent, si des inégalités découlant de notre physique surviennent lors de notre scolarité, il y a des probabilités qu’elles se poursuivent durant notre carrière et en particulier lors des entretiens d’embauche.
Méthodologie
Nous avons tout d’abord analysé une partie de la littérature sur le sujet afin de comparer leurs résultats et thèses principales. Sur cette base, nous avons formulé nos hypothèses de départ et avons réalisé douze entretiens semi-dirigés afin de recueillir le point de vue de nos enquêtés (une étudiante en formation à l’enseignement, neuf enseignants de secondaire II, deux recruteurs et une directrice d’un centre de médecine esthétique) sur l’influence de l’apparence, l’existence des préjugés et leur impact sur leur comportement. Nous avons ensuite comparé leurs réponses en les mettant en perspective avec les concepts théoriques et résultats de recherche présentés en amont.
Résultats
Nous avons vu que les différentes perceptions de la beauté – influencées bien souvent malgré nous par des normes esthétiques dictées par la société – semblent toutes plus ou moins se rejoindre. Nous avons aussi observé que l’effet de halo peut conduire à associer l’apparence d’une personne – première caractéristique accessible lors d’une rencontre – à des traits de personnalité. Même si infondés, les préjugés produits à ce moment-ci servent de référence au comportement adopté dans la suite des interactions. Concernant le domaine scolaire, sept des neuf enseignants avec lesquels nous nous sommes entretenus estiment que l’apparence d’un élève peut influencer ses études. Six d’entre eux nous ont aussi confié que, malgré leur prudence, les a priori sur la base de leur première impression impactent leur attitude au début de l’année scolaire. Dans le cadre des entretiens d’embauche, les deux recruteurs nous ont livré qu’à profil similaire, situation très rare nous disent-ils, l’apparence peut influencer la décision. Ils ont en outre confirmé que la première impression durant un entretien, surtout si elle est mauvaise, influence la perception de la discussion.
Discussion
Deux résultats extraits dans l’analyse de la littérature ont été contredits par nos interlocuteurs. En effet, le physique, selon les dires de nos enquêtés, n’impacterait pas les notes des étudiants ou le salaire des employés. Or, d’après notre étude, l’apparence pourrait toutefois avoir une influence indirecte : les résultats des élèves dépendent certes de critères factuels, mais ils relèvent également en partie du comportement des enseignants à leur égard, celui-ci pouvant être influencé par l’apparence. De même, selon les recruteurs, une personne charismatique bénéficie de plus d’opportunités. Or, le salaire est influencé indirectement à l’évolution de la carrière.
Conclusions
Ce travail permet de comprendre que la discrimination par l’apparence résulte d’un phénomène inconscient socialement situé dont on ne peut se prémunir totalement. Toutefois, son but principal est d’informer de l’existence de ces biais, car c’est en prenant conscience de leur fonctionnement que l’on peut limiter leurs répercussions sur notre comportement. La conscientisation est à la base de tout changement. Alors, parlons-en !
Appréciation de l’experte
Valérie Angelucci
En interrogeant les « apparences » et plus généralement, le rapport au corps dans notre société contemporaine, le sujet choisi est en phase avec de nombreuses préoccupations contemporaines. Le travail est ambitieux par sa collecte de données récoltées, mais également par le croisement des regards sociologiques et psychologiques qu’il propose. La qualité rédactionnelle correspond aux normes dans le genre et permet d’ouvrir une réflexion à la fois personnelle et collective.
Mention:
bien
Gymnase d’Yverdon, Cheseaux-Noréaz
Enseignante: Noémie Christen