Histoire | Géographie | Économie | Société
Ryan Bloch, 2006 | Posieux, FR
Tantôt considéré comme le libérateur des maux de la France de l’ancien régime, tantôt comme le plus liberticide et vil personnage de la Révolution française, la figure du révolutionnaire Maximilien Robespierre est sans nul doute l’une des figures les plus polarisées de l’histoire politique occidentale. Cette ambivalence quant à l’action politique de Robespierre n’est pas uniquement contemporaine de la Révolution française. Elle reste encore actuelle de nos jours comme l’illustrent diverses récupérations de sa figure afin de justifier ses propres idéaux politiques, à l’image de Jean-Luc Mélenchon. Ce travail consiste à replacer Robespierre dans un débat instruit des catégories morales et politiques de son temps afin de contourner la vision d’un Robespierre sans nuances qu’une partie de l’historiographie contemporaine a inscrit dans les mémoires collectives.
Problématique
Afin de déterminer les normes morales et intellectuelles de l’époque, je me suis penché principalement sur l’un des ouvrages de référence du XVIIIème siècle qui est L’Encyclopédie de Diderot & D’Alembert (1751-1772). Ainsi, mon analyse, se fondant principalement sur les définitions du héros et du tyran selon les Lumières, vise à approfondir leurs réflexions politiques encadrant le droit à la résistance et la lutte pour le bien public. C’est à cette aune que l’analyse questionne la légitimité et l’illégitimité des différentes actions menées par Robespierre dans le contexte mouvementé de la Terreur.
Méthodologie
Des suites de ma lecture des articles « Héros autrement dit demi-dieu », « Raison », « Droit naturel », « Liberté » et « Tyran » de L’Encyclopédie de Diderot & D’Alembert, j’ai extrait des citations m’ayant permis de créer deux tableaux recensant les qualificatifs du héros et du tyran selon les Lumières. Ces tableaux ont un rôle de « tamis » dans lequel passer mon corpus de textes afin de sonder les discours et l’action politique de Robespierre sur ce continuum conceptuel. Le corpus de textes comprend de nombreux discours de Robespierre recensés dans l’ouvrage de Daniel Fromont, ainsi que quelques pamphlets et caricatures réalisés à son encontre. Ce corpus est le fruit d’un carottage permettant de couvrir la période allant de son arrivée dans la sphère politique française en 1789, jusqu’à la fin de sa carrière politique et le début du directoire en 1795. Cette perspective analytique a permis d’évaluer la part d’héroïsme et de tyrannie de l’Incorruptible tout au long de la Révolution française à partir de ses influences étant la pensée philosophique et politique des Lumières.
Résultats
Ce travail montre de façon raisonnée que plusieurs actions de Robespierre s’apparentent à de l’héroïsme des Lumières comme le fait qu’il défende un peuple désemparé. La majorité de ses actions héroïques se situent au début de sa carrière politique (1789-1792). Il réévalue également la part d’implication de Robespierre durant la Terreur et les aspects de ses discours et actions le rattachant au tyran, notamment par son égoïsme et son hypocrisie. L’analyse révèle que ses critiques contemporains sont très au fait des catégories de la tyrannie pour fournir des arguments faisant de Robespierre le bouc-émissaire de l’extrême cruauté qui domine la Terreur.
Discussion
Bien qu’ayant un résultat très satisfaisant, du fait de manques de moyens étant un élève du secondaire 2, j’ai dû à certains moments me priver de sources, ainsi que d’ouvrages de littérature secondaire faute d’accès. C’est pourquoi ce travail replace certes Robespierre sur le spectre tyran-héros de manière plus rationnelle, mais est surtout une porte d’entrée originale à l’analyse de la notion d’extrême politique, ainsi qu’une méthodologie solide d’analyse historique et discursive de figures controversées comme l’est Robespierre.
Conclusions
L’intérêt de ce travail repose dans l’interprétation de concepts clés de la philosophie des Lumières comme les notions de héros et de tyran. L’analyse des différentes sources à l’aide de mes tableaux me permet alors de repenser la figure d’un personnage à l’histoire controversée. Il en ressort que Robespierre ne s’apparente pas à un tyran comme une partie de l’historiographie contemporaine l’a décrété, mais qu’il ne correspond pas non plus entièrement au héros politique des Lumières dû à certaines de ses actions controversées. Il serait pertinent d’élargir le spectre du tyran et du héros pour nourrir une interprétation du concept de « l’extrême » en politique afin de sonder plus finement les causes et les conséquences de cette dernière notion dans le cadre d’une recrudescence de l’autoritarisme dans les démocraties occidentales.
Appréciation de l’experte
Lic.Phil Loïse Bilat
Dans un contexte de retour de figures héroïques et tyranniques au sommet des démocraties contemporaines, comme Zelensky ou Trump, ce rigoureux travail en histoire des idées politiques sur la personnalisation du pouvoir est indispensable pour comprendre comment les catégories morales du siècle de Robespierre s’opérationnalisent dans un rapport de force politique. L’étude rigoureuse du réseau sémantique dans lequel Robespierre devient l’incarnation de la Terreur, produite dans ce travail de maturité, montre les ressorts collectifs de la création de nouveaux monstres en temps de crise.
Mention:
très bien
Collège saint michel, Fribourg
Enseignant: Vincent Robadey