Histoire | Géographie | Économie | Société
Yael Emma Skuza, 2005 | Burgdorf, BE
Consacré au congé paternité, ce travail démontre l’importance de la législation dans la normalisation de la répartition égalitaire des rôles au sein de la société en général et de la famille en particulier. Il retrace également l’évolution de la représentation sociale majoritaire du rôle de père qui a rendu possible l’entrée en vigueur de cette législation.
Problématique
Le fil rouge de ce travail est guidé par la question suivante : « Comment, dans le contexte socio-économique suisse actuel la prise du congé paternité, ainsi que la reconnaissance de l’engagement paternel peuvent entrer dans les normes ? » Ainsi, ce travail identifie et développe les différents enjeux liés à l’introduction du congé paternité à son introduction sur le plan macrosociologique de la vie institutionnelle au niveau national, et sur le plan microsociologique au niveau individuel.
Méthodologie
Ce travail se base sur deux procédés méthodologiques complémentaires, à savoir une étude documentaire critique et une démarche empirique qualitative exploratoire.
Dans un premier temps, une étude documentaire croise une grande diversité de sources issues de la législation nationale, des divers travaux préparatoires à la loi, des ouvrages de doctrine juridique, des ouvrages académiques en sociologie, des sondages réalisés à l’occasion des différentes votations et initiatives, des communiqués de presse d’organisations patronales et d’entreprises, ainsi que de la presse nationale.
Dans un second temps, une série d’entretiens qualitatifs semi-structurés d’une durée d’une demi-heure à une heure est effectuée avec sept pères romands. Les entretiens ont été retranscrits intégralement et une analyse thématique a été effectuée.
Résultats
L’analyse de l’historique des congés liés à l’arrivée d’un enfant de 1848 à la votation du 27.09.2020, démontre que la mise en place du congé maternité et paternité a été retardé pour les mêmes raisons, d’ordre économique et idéologique en lien avec les stéréotypes de genre. Toutefois, une analyse plus fine des débats parlementaires révèle un changement progressif du discours des opposants au congé paternité. D’abord rejetés comme contraires à la volonté de la majorité des pères suisses, les projets successifs ont ensuite été écartés en raison de leurs coûts, ce qui a abouti finalement au compromis de deux semaines.
Ce travail propose en outre un éclairage sur la question du rôle et de l’implication de l’État dans la vie privée sous-jacente aux arguments des opposants concernant le coût du congé paternité. Un lien est établi entre le cas particulier du congé paternité et le développement de l’État social, qui apparaît comme un sujet très clivant en Suisse.
Les entretiens ont mis en lumière le pouvoir réel de la loi dans la normalisation d’une pratique sociale telle que le congé paternité et, plus généralement, dans l’encouragement de l’engagement paternel.
Discussion
Mon hypothèse de départ concernant l’importance de la législation dans la normalisation de la prise du congé paternité qui, grâce à l’introduction d’une obligation légale de l’accorder, est devenue une simple formalité, a été confirmée. Le congé paternité répond à un besoin et une volonté sincères des pères de mon échantillon de s’investir dans une conception agie d’une parentalité qui ne se conforme pas aux normes genrées traditionnelles. Cependant, il faut prendre en compte la représentativité relative de l’échantillon, ainsi que le biais de confirmation dans l’interprétation des témoignages recueillis.
Conclusions
Au cours de ces dernières décennies, la société suisse a considérablement évolué vers plus d’égalité entre les genres, dont notamment dans le contexte de la paternité. Cela offre aux pères l’opportunité d’assumer plus de responsabilités qu’auparavant dans l’éducation des enfants et de mieux répartir le travail non rémunéré. Cependant, le congé paternité sous sa forme actuelle n’est qu’une ébauche de mesure, qui va probablement être étendue dans les prochaines années, comme le suggèrent les nombreux projets de congés parentaux qui fleurissent dans un grand nombre de cantons de notre pays.
Appréciation de l’expert
Dr. Thierry Delessert
Partant des prémisses d’un congé maternité et de ses multiples refus avant de traiter les débats plus contemporains sur le congé paternité, un vaste pan de la politique familiale suisse est décrypté avec finesse par l’autrice. L’approche politique et législative est en sus complétée par des entretiens menés auprès de pères ayant bénéficié d’un congé paternité. Proposant plusieurs réflexions analytiques, ce travail s’avère novateur alors que la question d’un congé parental égalitaire s’invite de plus en plus dans l’agenda politique suisse.
Mention:
excellent
Prix spécial du Lucerne Festival
Gymnase de Burier , La Tour-de-Peilz
Enseignante: Prof. Maïla Kocher