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Emma Brawand, 2000 | Genève, GE
Ce travail se propose d’expliquer et d’analyser diverses représentations et analogies autour de l’abeille, issues de mythes, d’explications scientifiques ou d’œuvres littéraires de l’Antiquité gréco-romaine. Grâce à celles-ci et aux interprétations d’anthropologues et d’historiens se rattachant à l’École structuraliste, nous incluons l’abeille au sein d’un vaste système, où elle joue le rôle d’un intermédiaire entre différents opposés. Nous appuyant sur trois thèmes -son origine et celle du miel, le rôle particulier joué par le miel dans la mythologie et les diverses associations de l’abeille et de la femme- que nous connectons grâce au mythe d’Aristée, nous esquissons la place ambiguë et cruciale de l’abeille dans la pensée antique.
Problématique
Au cours de ce travail, nous orienterons nos recherches sur l’ambivalence vers laquelle tend l’abeille et interrogeons son rôle d’intermédiaire idéal entre les opposés les plus divers.
Méthodologie
Dans cette étude, nous nous appuyons sur des motifs mythologiques, des considérations scientifiques, philosophiques ou sur la tradition littéraire d’Homère à Virgile, afin de définir le rôle de l’abeille et du miel, puisque les deux sont indissociables. Afin d’éviter le catalogue -et puisque les différences entre les différentes époques et lieux sont assez peu significatives- nous procédons par thématique, en utilisant les Géorgiques de Virgile comme fil conducteur. Aussi, nous commençons par étudier l’origine du miel et des abeilles, voltigeant toujours entre science et mythe. Nous poursuivons par l’analyse du schéma de «l’Enfance au miel», d’après l’expression de l’historien Philippe Borgeaud, qui nous permet de nous intéresser à l’ordre cosmique représenté dans la mythologie. Nous nous intéressons ensuite à l’association ambiguë entre l’abeille et les femmes, grâce à laquelle nous touchons au fonctionnement de la société antique. Nous concluons le travail grâce à une dernière analogie, celle de l’abeille et du poète.
Résultats
Le travail se construit comme une illustration de la problématique déclarative. Aussi, nous avons prouvé que le miel et l’abeille, tout en pouvant revêtir par eux-mêmes des fonctions polaires, permettent de tisser des liens entre les opposés. Le travail -qui s’inscrit dans le prolongement de l’anthropologie structurale établie par Lévi-Strauss- inscrit l’abeille dans un vaste réseau où se côtoient mythologie, philosophie, biologie et sociologie. Cette lecture anthropologique transcende l’animal: d’un simple insecte, on évoque un rouage essentiel de l’équilibre du monde, qu’il soit mythique ou réel, et, le plus souvent, un mélange des deux.
Discussion
Comme évoqué précédemment, le travail s’appuie sur la lecture d’auteurs de l’École structuraliste (Détienne, Vernant, Loraux), dont les ouvrages se répondent les uns aux autres. Il aurait été pertinent de se détacher quelque peu de cette approche holiste, par exemple en établissant tout d’abord la nature des connaissances et croyances sur l’abeille en tant que telle, avant de disserter sur ses rôles au sein d’un système. La démarche structuraliste, même si elle permet de tisser des liens entre toutes choses, peut parfois conduire à l’extrême érudition, et surtout à la digression, tare que j’ai veillé à corriger lors de ma relecture, presque un an et demi après la rédaction initiale du travail. Cependant, malgré la longueur du travail, quelques éléments importants restent négligés: le rôle de la cire par exemple, ou la nature politique de l’abeille, que je ne fais que survoler. Il m’aurait également paru plus pertinent de réduire le nombre de sources antiques proposées, pour les analyser plus en profondeur. Pour conclure, il me semble que mon travail pourrait gagner en qualité s’il était moins dense, et que je sélectionnerais mieux ce qu’il est utile de mentionner. À vouloir trop en dire, on perd en clarté.
Conclusions
Ce travail de synthèse ancre les différentes symboliques de l’abeille, connectées entre elles grâce au fil rouge du mythe d’Aristée, dans une explication globale du monde antique. Le champ d’investigation reste cependant bien vaste. Il nous serait par exemple possible d’insister sur la nature politique de l’abeille qui, tout comme l’homme, est un animal politique (Aristote, Politique, 1253 a 2-3). Pour conclure, nous pouvons tenir pour certaine la puissance symbolique de l’abeille, insecte aux symboliques multiples, fortement ancrées dans l’inconscient collectif, et intemporelles.
Appréciation de l’experte
Lorraine Pidoux
Dans ce travail qui mêle rigueur scientifique et sensibilité littéraire, Madame Brawand a su rendre à l’abeille la dimension mytho-poétique dont elle était parée dans l’Antiquité. La recherche se fonde sur un corpus de sources grecques et latines qui entrent en résonance pour révéler la représentation de l’abeille et du miel dans la pensée antique. Cette recherche qui s’inscrit dans le courant structuraliste permet, en partant d’un insecte, de déployer tout le système de conception du monde antique dans lequel l’abeille fonctionne comme intermédiaire entre opposés divers.
Mention:
très bien
Collège de Candolle , Chêne-Bourg
Enseignante: Solène Dorsaz