Biologie | Environnement

Jeanne Käser, 2002 | Neuchâtel, NE

 

Depuis leur introduction dans les années 90, les néonicotinoïdes sont vite devenus les pesticides les plus utilisés de l’industrie phytosanitaire. Leurs effets nocifs sur les milieux naturels et la faune sont reconnus depuis longtemps mais encore peu étudiés. Dans ce travail, nous avons analysé l’incidence et la prévalence de cinq néonicotinoïdes dans quatre taxons différents d’invertébrés aquatiques de la rivière du Seyon, à l’aide d’une analyse HPLC-MS. Tous les échantillons analysés étaient contaminés de substances, en moyenne à une concentration de 0.8 ng/g. Les néonicotinoïdes sont donc omniprésents dans le milieu étudié et l’exposition des invertébrés y vivant est chronique. Deux des substances retrouvées avaient été interdites d’usage neuf mois avant les échantillonnages, prouvant leur grande rémanence. Une valeur outlier de 7.375 ng/g indique la probabilité d’une contamination extrêmement haute de certaines populations d’invertébrés. Ces résultats sont inquiétants et illustrent le besoin de plus de recherches sur le sujet. Ce travail contribue à sa documentation et propose des méthodes qui pourront être utilisées dans de prochaines études.

Problématique

Les néonicotinoïdes sont désormais les insecticides phares de l’industrie phytosanitaire, à l’échelle suisse comme mondiale. En 2015, ils représentaient 25% de tous les pesticides vendus mondialement. Bien que leur nocivité pour les milieux naturels et la faune soit reconnue par la communauté scientifique depuis leur commercialisation, les études sur leur toxicité manquent encore. Dans ce travail, nous avons (I) étudié l’incidence et la prévalence des cinq néonicotinoïdes les plus courants chez les invertébrés aquatiques du Seyon, un groupe taxonomique peu documenté pour ces substances. Ce travail nous a également permis (II) d’élaborer une méthode applicable à de futures études sur le sujet.

Méthodologie

La méthode d’échantillonnage de l’IBCH a été utilisée sur le terrain pour assurer la diversité d’invertébrés dans les échantillons. Quatre taxons d’invertébrés ont été sélectionnés (Gammaridae Gammarus et Echinogammarus, Baetidae Centroptilium, Hydrpsychidae Hydropsyche, Erpobdellidae Erpobdella), séchés et broyés. Ces broyats ont été filtrés et analysés avec une HPLC-MS (couplage d’une spectrométrie de masse et d’une chromatographie) pour y évaluer la concentration de cinq néonicotinoïdes communs.

Résultats

Chaque taxon a été analysé pour trois jours d’échantillonnages, résultant en 11 échantillons à analyser au total. Tous les échantillons sont contaminés par au moins une substance. Quatre des cinq néonicotinoïdes étudiés sont présents dans les analyses. La concentration moyenne se trouve autour de 0.8 ng/g d’insecte, sans compter une valeur extrême d’imidaclopride de l’échantillon tri3 qui présente une concentration de 7.375 ng/g.

Discussion

Les résultats indiquent l’omniprésence des substances dans le milieu étudié. Les organismes y sont majoritairement exposés chroniquement (à concentrations basses). Deux substances retrouvées à l’analyse avaient été interdites d’usage 9 mois avant l’échantillonnage, démontrant leur forte persistance dans la nature. Les concentrations varient selon le régime alimentaire des invertébrés, indiquant probablement un phénomène de bioamplification, selon lequel les prédateurs emmagasinent les toxines que contiennent leurs proies. La valeur extrême de 7.375 ng/g est plus de 9 fois supérieure aux autres. Elle pourrait indiquer une contamination très élevée à l’échelle de toute la population des trichoptères représentés dans l’échantillon. Toutes ces contaminations ont un impact nocif sur la mortalité et la reproduction des organismes exposés, provoquant le déclin de leur population, ce qui a des effets dramatiques sur tout leur milieu, les invertébrés aquatiques étant à la base de sa chaîne trophique et les principaux responsables du recyclage de matière organique.

Conclusions

Le premier but de ce travail était d’évaluer l’état des néonicotinoïdes dans le Seyon: les résultats sont alarmants et surprenants, surtout à la lumière de la valeur extrême du tri3. Le deuxième but était d’élaborer des méthodes applicables à de prochaines études sur le sujet. Elles se sont montrées très précises et performantes. Pour les valoriser véritablement, il faudrait effectuer un échantillonnage beaucoup plus exhaustif et focaliser l’étude sur un axe de recherche spécifique, comme l’étude de la contamination selon des facteurs géographiques, taxonomiques ou saisonniers. De telles recherches sont cruciales pour la sauvegarde des invertébrés aquatiques et de l’équilibre de tout le milieu dans lequel ils vivent.

 

 

Appréciation de l’expert

Eric Mennel

Madame Jeanne Käser a choisi un thème d’actualité qu’elle a traité de manière critique et approfondie. Après avoir évoqué les risques que présentent les néonicotinoïdes pour l’environnement, elle a réussi à l’illustrer pour le cas concret des invertébrés du Seyon en utilisant des méthodes de prélèvement et d’analyse pertinentes et adaptées au temps qu’elle avait à disposition. Elle a ainsi pu mettre en évidence avec précision les principales incidences de ces substances sur l’équilibre des milieux aquatiques, en particulier leur omniprésence, leur persistance et leur bioamplification.

Mention:

excellent

Prix spécial Swiss Junior Water Prize

 

 

 

Lycée Denis de Rougemont, Neuchâtel
Enseignant: Prof. Dr. Alex Aebi