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Atiya Bratschi, 2004 | Genève, GE

 

Cette étude a pour objet deux divinités guerrières de l’Antiquité, Athéna et Durga. Honorées respectivement en Grèce et en Inde, deux civilisations patriarcales, ces déesses ont la particularité commune d’être associées à l’art de la guerre, activité alors exclusivement réservée aux hommes.
La recherche vise à comprendre la présence a priori paradoxale de telles divinités dans des sociétés limitant le rôle des femmes à la sphère domestique.
Tout en convoquant des sources littéraires et iconographiques, la démonstration mobilise des documents antiques et modernes.
Les résultats révèlent de nombreuses similitudes entre Athéna et Durga, au-delà de leur fonction guerrière. Si le contraste entre l’infériorité imposée aux femmes et la puissance symbolique accordée aux déesses renforce le paradoxe initial, l’attribution d’une fonction guerrière à une divinité féminine peut justement s’expliquer par le fait qu’on se situe non pas dans le monde réel et normé de la cité, mais dans le registre de l’imaginaire, voire du fantasme ou de l’impossible.
Certaines interrogations demeurent ouvertes, soulignant la difficulté à comprendre pleinement les choix symboliques et les mentalités de civilisations anciennes sans risquer les anachronismes induits par des lectures trop contemporaines.

Problématique

Pourquoi attribuer le domaine de la guerre à des déesses, alors que les femmes sont exclues des champs de bataille ? Comment expliquer cette différence entre les immortelles et les mortelles quand il s’agit de la guerre ?

Méthodologie

Après avoir étudié le mythe et les représentations de chaque déesse à partir des sources et des ouvrages consacrés aux religions de la Grèce et de l’Inde anciennes, j’ai comparé les données pour identifier les similitudes. Des recherches relatives à l’anthropologie historique et à la question du genre dans ces deux sociétés antiques ont ensuite complété le contexte à même d’expliquer l’attribution de fonctions guerrières à deux divinités féminines.

Résultats

Les points communs entre Athéna et Durga

Athéna et Durga possèdent de nombreux points communs dans le récit de leur origine, les fonctions qu’elles incarnent, leurs caractéristiques physiques et leurs attributs. Ces similitudes sont également présentes dans les rites et les cultes en leur honneur.

La différence entre féminin humain et divin

Dans les deux sociétés étudiées, le rôle des femmes est limité à la sphère domestique et le statut de ces dernières est inférieur à celui des hommes dans tous les domaines de la vie quotidienne. Cependant quand il s’agit du monde des dieux, le rapport change et certaines déesses sortent des limitations imposées aux mortelles ; elles sont dès lors vénérées, sollicitées pour leur protection et même craintes.

La création d’une déesse guerrière

Il y aurait eu une reconnaissance de certaines qualités féminines, inhérentes à la nature ou générées par la société elle-même , chez les femmes vivant dans les civilisations de l’Inde védique et de la Grèce antique. Les Anciens auraient calqué ces qualités là sur le monde divin, pour créer une déesse se différenciant des dieux masculins en matière de guerre : elle en incarnerait un aspect spécifique corrélé à la féminité. Cela explique la création de deux genre chez les dieux de la guerre : tandis que leurs pendants masculins représentent la force physique et la brutalité au combats, Athéna et Durga incarnent la version stratégique de la guerre. Leur fonction guerrière est alors complémentaire à celle des dieux masculins.

La déesse guerrière : entre crainte et fantasme

D’une part, les hommes auraient attribué à ces divinités des qualités développées par les femmes qu’ils considèrent comme puissantes, voir inquiétantes, tout en refusant de leur concéder ce pouvoir dans le monde réel. D’autre part, ils auraient fantasmé cette puissance féminine, érotisée dans un monde surnaturel, mais contrôlée dans les sociétés humaines.

Discussion

Cette étude m’a permis de m’intéresser à un paradoxe rarement relevé et d’avancer mes propres hypothèses en faisant dialoguer les mythologies grecques et indiennes. Ma recherche invite aussi à penser la question de la place des femmes dans l’univers mental des Anciens.

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Conclusions

Les hypothèses que j’ai formulées pour expliquer le paradoxe des déesses guerrières en contexte patriarcal sont évidemment les résultats d’une réflexion propre à une époque et à un espace donné. Ma recherche, qui se rapporte à l’histoire des mentalités en Grèce et en Inde anciennes, est donc aussi le reflet de schémas de pensées contemporains et, en cela, elle actualise les sciences de l’Antiquité.

 

 

Appréciation de l’experte

Lorraine Pidoux

Ce travail questionne l’attribution de fonctions guerrières à deux divinités féminines de la Grèce et de l’Inde anciennes, Athéna et Durga. Si la présence de déesses guerrières dans ces sociétés patriarcales constitue a priori un paradoxe, la recherche démontre que, dans le domaine du mythe, les frontières entre masculin et féminin sont aussi poreuses que complexes. Ces divinités n’embrassent pas l’ordre traditionnel de leur sexe – Athéna, née du crâne d’un homme, refuse le mariage et Durga piétine le corps de son époux – le monde des dieux se démarquant ainsi de celui des hommes.

Mention:

bien

 

 

 

Collège Voltaire, Genève
Enseignante: Réjane Lüthi